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Limiter les populations de ratons-laveurs pour protéger la biodiversité

  • Photo du rédacteur: Parc national de la Vallée de la Semois
    Parc national de la Vallée de la Semois
  • 1 juil.
  • 8 min de lecture

Le raton-laveur est arrivé « accidentellement » sur notre territoire dans les années 80. Classé « espèce exotique envahissante préoccupante » par l’Union européenne, il est aujourd’hui bien installé en Wallonie. Le Parc national de la Vallée de la Semois mène une série d’actions pour limiter ses populations sur notre territoire et préserver ainsi nos écosystèmes.

Un raton-laveur piégé.                                                                                                                                                                                                                   (c) PNAM
Un raton-laveur piégé. (c) PNAM

Avec sa bouille mignonne et son caractère peu farouche, le raton laveur bénéficie souvent d’un certain capital sympathie. Mais en Wallonie, c’est une espèce exotique envahissante (EEE) dont la population ne cesse de croître et qui pose de sérieux problèmes environnementaux, sanitaires et socio-économiques.


L’origine du mal

Le raton-laveur est originaire d’Amérique du Nord, où il s’épanouit dans les forêts décidues et les montagnes jusque dans les années 1930. Il finira par coloniser l’ensemble du continent nord-américain et l’Amérique centrale, sans doute à la faveur du déploiement des surfaces agricoles et de la colonisation des grands espaces par l’homme sédentaire. Même dans son aire d’origine, et malgré la présence de prédateurs naturels (pumas, coyotes, lynx, loups), le raton-laveur fait preuve d’une formidable capacité d’expansion et de colonisation.


Dans ces contrées, le raton laveur a été chassé par les Amérindiens pour sa chair et aussi pour sa fourrure. C’est d’ailleurs l’intérêt pour cette dernière qui incite très tôt certains européens à en faire l’élevage, notamment en Allemagne, où les dernières importations pour des élevages sont recensées dans les années 1930. La fourrure n’ayant plus trop la cote dans la période d’après-guerre, les éleveurs ont eu la mauvaise idée de laisser les raton-laveurs se disperser dans la nature.


Dans cette même période, en France, ce sont les soldats américains qui sont à l’origine d’un deuxième front de colonisation. Les ratons-laveurs les ont accompagnés, en guise de mascottes, dans les bases militaires où ils étaient affectés, mais ils se sont bien gardés de les reprendre dans leurs valises lors de leur retour, et ces individus ont regagné leur liberté dans les forêts françaises. De manière plus anecdotique, on relève aussi quelques lâchés intentionnels (officiels !) pour sa chasse en Allemagne.


La Wallonie ne pouvait donc pas échapper à sa colonisation par le raton puisque deux populations sources se développaient à ses frontières. Les premières observations de raton-laveurs sont rapportées dans les années 1980. En 2010, les observations au Sud du sillon Sambre et Meuse sont régulières, et en 2015 la quasi-totalité de cette zone est colonisée. Désormais, le raton-laveur est présent en abondance au sud du sillon, et le front de colonisation a dépassé cette frontière naturelle, le raton n’épargnant pour l’instant que la région du Hainaut et de la Hesbaye où il reste encore assez rare.


Espèce exotique envahissante

Parmi la liste des 88 espèces exotiques animales ou végétales préoccupantes pour l'Europe, 15 sont largement répandues en Wallonie, 13 sont considérées comme émergentes et 25 sont susceptibles de s'installer prochainement chez nous. Une espèce exotique est considérée comme envahissante lorsqu'elle a le potentiel pour s'installer et prospérer durablement dans notre environnement. Certaines ont un impact modéré, voire nul, sur les écosystèmes en place et leur présence n’est pas considérée comme problématique. Mais d'autres espèces se développent aux dépens d'espèces locales ou d'écosystèmes d'intérêt pour la conservation de la nature, qui sont bien souvent déjà menacés. En plus des impacts sur les écosystèmes locaux, il peut également y avoir des impacts sanitaires ou socio-économiques importants pour notre société.  Les mesures de gestion de ces espèces exotiques envahissantes (EEE) peuvent alors représenter un coût important (pour ne pas dire exorbitant) pour la collectivité.


Le raton laveur est un exemple emblématique de la problématique des EEE en Wallonie. Arrivé en Wallonie dans les années 80 via des foyers français et allemands, il est désormais présent partout et en abondance au sud du sillon Sambre et Meuse, et continue de progresser au nord. Sa population était estimée à plus de 75.000 individus en 2023. Elle est certainement déjà bien plus importante aujourd'hui vu la prolificité de l'espèce. Le raton laveur est classé en "liste noire, statut A2" selon un protocole international d'évaluation de l'impact environnemental des EEE. Son statut A2 signifie que son impact environnemental est élevé mais qu'il n'est pas encore implanté partout sur le territoire.


Pourquoi est-il envahissant ? Dans son aire d'origine (continent nord-américain), le raton-laveur fait partie d'un écosystème où ses prédateurs sont encore présents (pumas, loups, coyotes, lynx...) et où les conditions naturelles permettent de limiter les populations (maladies, hivers rudes...). Chez nous, le raton-laveur n'a pas de prédateurs naturels et il rencontre des conditions très favorables pour prospérer (nourriture abondante, hiver cléments). Sa population augmente donc rapidement. Vu sa grande capacité d'adaptation, le raton-laveur est capable de tirer parti d'une très large gamme d'habitats comme des zones humides, des zones forestières, des zones agricoles et même des zones urbaines.


C’est la dose qui fait le poison

Pourquoi sa présence est-elle problématique ? Le raton-laveur possède un régime alimentaire omnivore et opportuniste : il oriente son alimentation vers les ressources les plus abondantes et facilement disponibles à un moment donné. Il est plutôt "ramasseur-cueilleur" c'est à dire qu'il collecte sa nourriture au gré de ses prospections, mais peut également adopter un comportement de chasseur actif sur des proies aussi variées que des amphibiens, des poissons (en eau peu profonde), des reptiles, des oiseaux et des micro-mammifères.


Les cigognes noires font partie de la longue liste des espèces fragiles impactées par le raton-laveur.                          (c) F. Gouverneur
Les cigognes noires font partie de la longue liste des espèces fragiles impactées par le raton-laveur. (c) F. Gouverneur

Si sa population restait anecdotique, cela ne poserait pas trop de problèmes car les populations locales de proies pourraient sans doute absorber cette pression supplémentaire. Mais vu son nombre toujours grandissant, l'impact sur les populations de proies devient préoccupant, de surcroit quand celles-ci sont déjà menacées chez nous car leurs populations sont fragiles ou en diminution. On pense notamment aux moules perlières, mulettes épaisses, grenouilles vertes, crapauds (calamite, à ventre jaune, accoucheur), écrevisses indigènes, oiseaux (gélinotte, hirondelle de rivage, tétras lyre, cigogne noire, bondrée apivore, chouette hulotte, faucon pèlerin, cincle plongeur), chauves-souris, populations indigènes sauvages de poissons d’eau douce... Ces populations de proies ont déjà fort à faire avec les prédateurs indigènes contre lesquels elles ont appris à lutter, mais le raton laveur est une pression nouvelle et supplémentaire avec un fort impact potentiel.


D'autres impacts sont aussi à prendre en compte, notamment la concurrence avec les méso-prédateurs indigènes que sont les renards, blaireaux, martres, chats sauvages, fouines, putois. Concurrence pour les sites de reproductions (cavités) mais également concurrence potentielle sur les proies.


Le raton-laveur peut également occasionner des nuisances domestiques, notamment par les dégâts qu'il peut causer lors de ses rapines dans les locaux de stockage des maisons, des dégâts dans les cultures et les jardins (il raffole des fraises et autres fruits rouges) et des dégâts sur les animaux domestiques (prédation sur les poules et canards, attaques sur les chats et petits chiens).


Enfin, le risque sanitaire est aussi bien réel, car le raton laveur est vecteur de zoonoses (maladies transmissibles à l'homme par un vecteur animal) comme la rage, la leptospirose, la maladie de carré, des méningites encéphaliques et la baylisascariose dont on a récemment découvert quelques individus porteurs sur notre territoire (Bouillon).


Quelles solutions au PNVS ?

Face à une invasion de cette ampleur, la réponse à donner doit être tout aussi ample et permanente. L'objectif raisonnable est de limiter l'impact négatif du raton laveur en tentant de limiter sa population en dessous d'un seuil "tolérable" pour nos écosystèmes, voire à viser une éradication totale dans des zones locales restreintes mais jugées plus sensibles.

Malheureusement, la seule manière efficace et économiquement envisageable pour limiter sa population et son impact consiste à endosser le rôle du "prédateur local" du raton-laveur, c'est à dire à piéger l'animal et à le détruire. Cette destruction s'opère dans un cadre strict défini par une règlementation spécifique en Wallonie : n'importe qui ne peut pas agir n'importe comment.


Dans le cadre de sa mission de préservation des milieux naturels, le Parc national collabore avec le DNF local et les services de piégeage de la Région wallonne pour coordonner une action de piégeage d'ampleur sur le territoire. Cette opération vise d'une part à diminuer les densités de population de ratons laveurs, qui sont extrêmement répandus dans la vallée de la Semois, mais également à documenter cette action pour analyser son impact et l'adapter si besoin.


D’autre part, le Parc national collabore avec le DNF local pour installer des dispositifs anti-prédation sur les arbres où ont été construits des nids d’oiseaux d’intérêt, comme la cigogne noire, le milan royal, l’autour des palombes et la bondrée apivore. Ces dispositifs sont peu coûteux et simples à installer, ils peuvent également être mis en place dans les jardins pour protéger nichoirs et mangeoires de la prédation du raton, mais aussi du chat domestique, un autre grand prédateur d’oiseaux.


Une expérimentation de suivi des populations de ratons-laveurs grâce à un réseau de pièges caméra a par ailleurs été initiée au printemps 2025 et sera renouvelée en 2026 afin d’évaluer l’efficacité du piégeage. Enfin, le Parc National entame une réflexion pour accompagner également les Communes dans le cadre de la lutte contre les nuisances du raton-laveur chez les particuliers.


Comment se prémunir des nuisances liées aux ratons-laveurs ?

La meilleure prévention contre le raton laveur est de ne lui donner aucune raison de venir chez vous :

  • Ne le nourrissez surtout pas si vous en apercevez dans vos parages, et ne laissez pas de nourriture accessible (rentrez les gamelles des animaux domestiques, utilisez un box à compost fermé, ne sortez vos poubelles que la veille du ramassage ou mieux, utilisez un container avec fermeture ou un box grillagé, rentrez vos poules la nuit...).

  • Protégez également vos nichoirs et zones de nourrissage pour les oiseaux avec des manchons en plastique lisse (type bâche anti-racines) empêchant l'escalade par le raton.

  • Ne lui laissez aucune occasion de pénétrer dans vos combles et greniers (via l'escalade de la gouttière ou des branches qui surplombent votre toit).

  • Afin de limiter le risque sanitaire, veillez aussi à ne pas laisser de bac à sable accessible la nuit (remettez le couvercle) et ne touchez en aucun cas ces animaux sans protection, qu’ils soient vivants ou morts.

  • Si vous soupçonnez la présence de ratons (traces de pattes comme des petites mains), veillez à laver vos mains régulièrement en rentrant de vos escapades au jardin et laver soigneusement vos fruits et légumes avant de les manger.


Enfin, si vous détectez la présence de ratons ou subissez ses nuisances, faites appel à un piégeur professionnel pour vous en débarrasser (voir liste ci-dessous), car le DNF n’a pas pour mission d’agir chez les particuliers. N'oubliez pas que relâcher un raton laveur dans la nature est une mauvaise idée car on ne fait que reporter le problème, et c'est de toute façon une infraction à la réglementation sur les espèces exotiques envahissantes. Plus d'infos sur le site : https://stopenvahissantes.be/home/actualites.html 


(c) SPW - Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement
(c) SPW - Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement

Infos utiles


Piégeurs opérants dans la région du Parc national :



Eléments vidéo intéressants :



Ressources à télécharger


  • Dépliant raton-laveur du SPW Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement

  • Le raton laveur en 10 questions - Document de l'Union des Villes et Communes de Wallonie


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